Ardbeg, Lagavulin, Laphroaig, Caol Ila, Bowmore… ces distilleries que vous avez peut être déjà croisée ont toutes un point en commun, elles produisent des whisky tourbés. Mais qu’est-ce que c’est vraiment la tourbe ? à quoi sert-elle ? et comment intervient-elle ? Chez Ma Dégustation Privée nous sommes de grands amateurs de whiskys tourbés et nous allons tout vous expliquer.
La Tourbe : Origines et Localisation
La tourbe est un composé organique qui résulte de la décomposition partielle de la matière végétale. Elle se forme principalement dans les zones humides, comme les tourbières. L’Écosse, et en particulier les régions d’Islay et de Speyside, est reconnue pour ses whiskies tourbés empreints de cette essence unique. La tourbe puise son caractère dans la diversité des végétaux présents et des conditions spécifiques de chaque région.
Il est essentiel de remonter dans le temps pour comprendre que la tourbe, il y a de nombreuses années, ne servait pas à embaumer votre salon (joke) ou offrir des nouvelles palettes aromatiques aux whiskys, mais remplissait simplement le rôle de combustible basique. En Écosse, elle était la source d’énergie la plus accessible et la moins coûteuse, devenant ainsi le moyen de chauffage privilégié pour l’ensemble de la population.
Les distilleries, à cette époque, recourent à la tourbe pour alimenter leurs alambics, laissant inévitablement une odeur puissante et distinctive dans l’atmosphère de la distillerie.
Les tourbières, également connues sous le nom de “peat bogs” en anglais, présentent une histoire ancienne, leurs couches s’étant formées sur une période allant de 1000 à 5000 ans, atteignant parfois une épaisseur de plusieurs mètres. Chaque année, une tourbière connaît une croissance d’environ 1 mm, ce qui signifie qu’une tourbière d’une épaisseur d’environ 3 mètres a pris environ 3000 ans pour se développer. Cette lente formation confère aux tourbières une richesse historique et géologique exceptionnelle.
L'Intérêt de la Tourbe dans la Production de Whisky
Contrairement aux idées reçues, la tourbe n’est jamais en contact avec le whisky. Si le whisky est tourbé, ce n’est pas parce que la distillerie a ajouté un morceau de tourbe dans le malt, ou alors que l’eau est entrée en contact avec la tourbe ou encore que c’est un type d’orge. La notion de whisky tourbé vient plutôt des fumées épaisses que dégage la tourbe au moment de sa combustion.
En effet, les tourbes sont utilisés par les distilleries pour apporter des arômes fumés et parfois médicinaux au whisky. Par exemple un Ardbeg Ten a un goût bien différent d’un Glenallachie 12 ans qui lui n’est pas tourbé.
Les distilleries parviennent à obtenir leur whisky tourbé en séchant l’orge au-dessus d’un feu de tourbe, à l’intérieur d’un bâtiment appelé « kiln » (ces toits de distilleries en forme de petites pagodes). La durée de séchage varie selon les distilleries, généralement autour de 30 heures, mais en simplifiant, retenez ceci : plus l’orge est séchée longtemps, plus le whisky sera imprégné de notes tourbées.
A l’origine, cette méthode de séchage était assez répandue puisqu’elle était accessible. Son prix était faible et sa livraison rapide. Pendant l’étape du séchage, la tourbe est brûlée et en se consumant, elle va libérer des molécules aromatiques appelées phénols. La particularité des tourbes est qu’elles génèrent également une fumée assez épaisse. Fumée dont s’imprègne le malt ou l’orge maltée.
La combustion par la tourbe est une étape cruciale d’un whisky tourbé. Le maître distillateur veille donc à l’entretien du feu afin d’éviter que la température ne grimpe trop. Au-delà de 50°C, les enzymes du malt se détruisent.
Vous l’aurez compris pas de whisky fumé ou tourbé sans cette matière organique indispensable pour obtenir ses arômes uniques !
Les effets de la Tourbe
Les whiskies tourbés sont réputés pour leur palette de saveurs complexes. Les arômes de fumée, de terre, de bbq, de goudron voir de salle d’hopitale imprègnent le breuvage, offrant une expérience gustative incroyable et que l’on ne retrouve dans aucun autre spiritueux. Les distilleries jouent avec les niveaux de tourbe, créant ainsi des whiskies allant du subtilement tourbé à l’extrêmement intense, offrant ainsi une variété infinie aux amateurs.
Qu’est-ce que le PPM ?
Les arômes d’un whisky tourbé peuvent également être influencés par le PPM. Il s’agit d’un indice qui définit la part de phénol présente dans le whisky. Plus le PPM est élevé, plus le whisky est fumé. Un whisky avec un PPM de 20 plaira aux personnes qui ne sont pas amatrices de notes fumées tandis qu’un autre avec un PPM de 50 séduira les amateurs de whisky très tourbé. D’ailleurs, certaines distilleries n’hésitent pas à proposer à la livraison des whiskies hautement tourbés avec un PPM supérieur à 240, notamment la gamme Octomore de la maison Bruichladdich. Bien sûr cette notion de PPM est à prendre avec des pincettes car chaque distillerie mesure le taux de PPM à un endroit différent.
Bien que tous ces facteurs jouent sur le caractère du produit, des bouteilles issues de la même distillerie peuvent avoir des goûts différents. En effet, les maisons produisent différents types de whisky avec des temps de séchage à la tourbe plus ou moins long. Le vieillissement prend également part quand au ressenti de la tourbe dans le verre car elle a généralement pour effet de s’estomper avec le temps.
Aspects Écologiques de l'Utilisation de la Tourbe
Cependant, l’utilisation intensive de la tourbe soulève des questions écologiques cruciales. Les tourbières, écosystèmes humides riches et uniques, sont menacées par la récolte excessive de la tourbe. La destruction des tourbières peut entraîner une perte irrémédiable de biodiversité et une libération de carbone dans l’atmosphère, contribuant au changement climatique.
La question de la durabilité de l’utilisation de la tourbe est centrale.
Malheureusement, la tourbe n’est pas une ressource renouvelable à court terme. Les processus naturels de formation de la tourbe sont extrêmement lents, nécessitant des millénaires pour se développer. La demande croissante pour les whiskies tourbés accroît la pression sur les tourbières, soulevant des inquiétudes quant à la préservation de cet écosystème vital. Une seul crainte, il y aura t’il toujours des whiskys tourbé plus tard ? Notre avis, faites vos stocks !